Dans dix ans, alors qu’il sera temps de revenir sur les plus belles pages de sa carrière, le 5 juillet 2022 restera une date à part. Gagner une étape tout seul, avec le maillot jaune sur le dos et dégoûter tout le peloton, y compris les grands favoris, est un exploit dont seule l’élite est capable. Il illustre sa classe folle et la place qu’il tient dans son époque. Cela semble déjà acquis : on risque de s’en souvenir longtemps. Le Tour de France Le peloton frissonne devant les pavés : “On a peur mais on a envie d’y aller” IL Y A 4 HEURES Regardez le Tour de France en direct sur Eurosport Mais au fond, c’est un succès qui repose sur sa force fondamentale, le punch. Et sa performance sportive du jour me semble un peu en dessous, par exemple, de ce que Julian Alaphilippe a réalisé à Epernay en 2019. Dommage que Mathieu van Der Poel n’ait pas été là pour lui apporter la réponse. La présence de sa rivale historique aurait rehaussé la valeur et la symbolique de ce succès. Quant au WVA, son triomphe sur deux Ventoux l’an dernier reste pour moi le plus impressionnant. C’est un terrain dans lequel on ne s’y attendait pas, ou en tout cas pas si bien. Et même si la victoire ne s’est pas concrétisée à la pédale face aux meilleurs, la facilité avec laquelle le sprinter Van Aert a dompté un symbole comme le Géant de Provence reste à mes yeux bien plus choquante que ce succès bâti sur une colline de 4 catégorie. Récapitulatif de l’étape 4: Van Aert réveille le Tour et exclut la compétition Laurent Vergne Oui, pour deux raisons. D’abord parce que c’est sa victoire la plus propre, la plus convaincante et la plus écrasante sur la pédale. Dans ce 900 m coup simple, la claque de Wout van Aert face à la concurrence, qu’il s’agisse des puncheurs de son gradin (Hello, Mathieu van der Poel ?) ou des principaux prétendants au classement général, a quelque chose de nouveau pour lui dans le Tour. Ce fut une véritable démonstration de force. Personne ne s’est approché de lui. Ensuite, il y a la symbolique du maillot jaune. Gagner une étape est possible. Le faire en portant le maillot le plus légendaire imaginable est une sensation unique. Il faut remonter à Freddy Maertens il y a 45 ans pour retrouver trace de victoire d’un maillot jaune de la Belgique sur le Tour. “C’est sans aucun doute l’une des plus grandes victoires de ma carrière.“, a admis Van Aert, projetant bien au-delà du seul Tour de France. Le contenu, la forme, tout cela place ce succès dans sa propre dimension. Alors, bien sûr, la ligne d’arrivée à Calais n’a pas le prestige d’un sprint sur les Champs-Elysées ou le Mont Ventoux. Mais un sprint reste un sprint, et sur les pentes du “Mont Chauve”, il n’était pas le plus fort. Il a gagné dans l’échappée, ce qui n’en est pas moins digne, au contraire, mais même Eros Poli, au final, a remporté l’étape du Ventoux. Ce mardi, c’était autre chose. L’expression d’un champion en pleine maîtrise de sa supériorité.

La bataille des armes du Cap Blanc-Nez est-elle importante ?

Julien Chesnais Puisqu’il s’agit du premier de ce 109e Tour de France, la tentation est grande d’en tirer une première hiérarchie, un premier rapport de force entre les favoris du général. Mais vous devez avoir raison pour une ascension de 4ème catégorie dévorée à 32,3 km/h de moyenne et en 106 secondes par le plus rapide, Wout van Aert. Regardons aussi les lieux au sommet du Cap Blanc-Nez. Il est passé dans l’ordre et par vagues successives :

Van Aert Yates (2e) et Vingaard Thomas (4e), Roglitz et Martinez Bardet (7e) Pogacar (8e) et Vlasov Un Bahreïn (10e) Le peloton mené par Geniets et Gaudu

Premier constat : INEOS et Jumbo-Visma sont sur-représentés, Bardet est dans le coup (créant une première inconnue pour sa forme depuis son retrait du Giro) et Pogacar n’a pas pu permuter avec Roglic et Vingaard. Pourtant, et c’est la première limite à toute tentative d’extrapolation, le Slovène s’est retrouvé en mauvaise position par rapport aux deux Jumbos. Vu la violence de l’attaque jaune-noir, il paye comptant. Il est donc impossible de conclure que Pogacar était moins puissant que ses deux adversaires. Je noterai cependant ceci: Roglic est censé être meilleur que Vingaard dans un effort aussi explosif. Ce n’était pas comme ça. Et ça fait 2-0 pour le Danois, qui était déjà (légèrement) meilleur que le Slovène lors du contre-la-montre à Copenhague (de deux dixièmes). J’ai même l’impression qu’il aurait pu accompagner Van Aert s’il avait pu être placé sur sa roue, plutôt que sur celle de Yates, responsable du break juste avant le rocker. En conséquence, Vingaard a gagné des points dans la course à la direction de Jumbo. Mais ceux-ci n’auront évidemment pas beaucoup de poids lors du premier vrai bilan, samedi au sommet de la Planche des Belles Filles. Van Aert : “On pensait qu’on irait au sommet” Laurent Vergne Attention à la sur-interprétation. Tout le monde guette depuis cinq jours et quatre étapes pour enfin décoller ce Tour 2022. Alors, oui, Jumbo Visma a banni l’ennui mardi en éparpillant le peloton sur la côte du Cap Blanc-Nez. Mais ce n’est pas parce qu’il s’est finalement passé quelque chose d’important, que la première passe d’armes doit nous inciter à extrapoler davantage. Aujourd’hui, c’est le mardi de la première semaine, pas le jeudi de la troisième. Voici venir les pavés, la Planche des Belles Filles, le Galibier, l’Alpe, le Hautacam, etc. Faire de Calais la bande-annonce de ce que nous allons vivre d’ici à Paris est certainement aussi important que de s’appuyer sur les sondages d’opinion pour le premier tour de l’élection présidentielle dans quatre ou cinq ans. Alors restons calmes. Si Wout van Aert a fait le show, le Belge, aussi fort soit-il, n’est pas concerné par la bataille des quarterbacks. En haute montagne, peut-être avant, il retrouvera son rôle de membre de l’équipe Jumbo. De plus, personne n’a perdu de temps parmi les favoris. Alors, oui, Vingeard était un peu plus sanglant que Roglic. Oui, Tadej Pogacar a été laissé pour compte. Mais à l’échelle d’une course de trois semaines, ce n’est pas difficile.

L’étape pavée décevra-t-elle comme l’étape du Pont ?

Julien Chesnais Par cohérence avec ma réponse dans les discussions de dimanche, où j’expliquais que cette 5ème étape était celle que j’attendais le plus de la semaine, je dois dire non. Et deux jours plus tard, j’y pense encore : les pavés ne vont pas me décevoir. Certes, il n’y aura pas de pluie comme en 2014 (le risque de gouttes est quasi nul) et le vent devrait être léger. Mais la performance de mercredi est beaucoup moins dépendante de la météo que samedi dernier, où il fallait souffler fort et dans la bonne direction. Les pavés restent des pavés. Ils sont terrifiants quelle que soit leur humeur du jour, et aucun coureur ne sait dans quel état ils sortiront de cet Enfer du Nord à la mode estivale. Le parcours m’a l’air mieux préparé qu’en 2018. Les secteurs sont nettement moins nombreux (11 contre 15). Mais ils sont plus longs et donc plus propices à créer des écarts. D’ailleurs, tout s’enchaîne dans la seconde partie de la scène. Ce ne sera que plus difficile. Je crois aussi que beaucoup d’équipes ont intérêt à durcir le match, ou du moins ont intérêt à le faire. Nous ne serons sûrement qu’au 5ème jour de course et la tentation de courir avec le frein à main restera forte. Mais n’oublions pas que Tadej Pogacar est toujours l’homme à battre et s’il y a un endroit pour lui faire rater le Tour, ou du moins lui mettre des bâtons dans les roues, c’est mercredi. Le Slovène, aussi doué soit-il sur les pavés, est un coureur comme tout le monde. Elle est à l’abri de tout dans un terrain aussi imprévisible. La Palette RP – Vent contraire et pavés : “Messieurs, faites le bon choix de matériel” Laurent Vergne En tout cas, Christian Prudhomme doit le souhaiter. Sinon ce sont les deux points chauds de cette première étape du Tour (la “fameuse” Grande Ceinture du samedi, avant d’arriver à Nyborg, et donc ces 20km de pavés) qui auront pschitt. Ce serait encore pire pour les organisateurs si l’étape de mardi était neutre. Dans le deuxième acte danois, ce n’était pas de chance. Le vent soufflait très légèrement, ou pas dans la bonne direction, ou les deux. Mais cet allié était nécessaire. Cette fois, le facteur météo ne devrait pas être nécessaire. Le scénario idéal ? Une vraie bagarre, un impact non marginal sur le classement général chez les favoris, mais dont tout le monde s’en sort indemne physiquement. Dans cette optique, cette 5ème étape s’annonce belle : un véritable « terrain de jeu » pour livrer une course à la hauteur des attentes, mais un ciel bien plus clément que lors de l’édition 2014, où Chris Froome, le tenant du titre, avait été obligé de prendre sa retraite. Personne ne veut voir un prétendant à la victoire finale éliminé sur une chute, même si, avec les pavés, le risque sera toujours là, même sans pluie. C’est sans aucun doute un rendez-vous important. Elle peut même être déterminante pour certains. Personne ne remportera le Tour 2022 mardi, mais il y en a peut-être quelques-uns qui pourraient le manquer ou, à tout le moins, compromettre leurs chances. Dans les chambres d’hôtel, certaines nuits peuvent être difficiles ou agitées. Les pavés sont préoccupants car ils créent de l’incertitude. Comme le dit très justement David Gaudu, il faudra non seulement de bons pieds, mais aussi un peu de succès. Un exercice précis, une intensité, il y a tout pour…