Posté à 7h00
                Judith Lachapelle La Presse             

Disponible, mais pas nécessairement consommé

Qu’est-ce qu’on mange exactement ? Combien de kilos de pommes, de litres de lait, d’œufs chaque Canadien consomme-t-il en une année? « Il est très difficile de mesurer la consommation réelle, explique Rémy Lambert, professeur au département d’économie agroalimentaire de l’Université Laval. Pour approximer cela, Statistique Canada mesure la « disponibilité alimentaire » à l’aide des données réelles dont il dispose. « Pour chaque aliment, nous ajoutons ce que nous produisons et ce que nous importons, soustrayons ce que nous exportons, comparons les stocks au début et à la fin de l’année et divisons par le nombre de Canadiens qu’il indique. Le résultat montre la « disponibilité » d’un aliment, que Statistique Canada appelle aussi la « consommation apparente ». Cet aliment « jetable » n’est pas forcément acheté par le consommateur : il peut être acheté par un transformateur qui en fera un nouveau produit. Elle ne tient pas non plus compte des spécificités du territoire, souligne Sébastien Rioux, de la Chaire de recherche du Canada en économie politique de l’alimentation et du bien-être. « L’approvisionnement alimentaire varie selon l’endroit où vous vivez, par exemple si vous habitez à proximité de zones de culture de légumes. » Plus les gens en mangent, plus il y a de nourriture disponible… ou pas ? Généralement, la disponibilité d’un produit suit la demande, mais pas toujours : en 2021, en raison de problèmes de chaîne d’approvisionnement, « la relation entre la disponibilité des aliments et les préférences des consommateurs était plus difficile à discerner », écrit Statistique Canada dans le rapport publié le 31 mai. Il existe plusieurs raisons pour lesquelles la disponibilité d’un produit varie. Par exemple, la demande de farine était élevée pendant la pandémie (merci Ricardo), mais sa disponibilité était en baisse… et pas seulement à cause de la demande. La diminution de la disponibilité de la farine de blé en 2021 coïncide avec « une baisse de la production de blé en raison des conditions de sécheresse dans l’Ouest canadien » en 2020, a déclaré Statistique Canada. INFOGRAPHIE LE TYPE

Moins de disponibilité, plus de variété

Cependant, l’observation de la disponibilité alimentaire reflète l’évolution des préférences alimentaires. L’une des réductions les plus notables concerne la quantité de lait disponible pour la consommation. Au cours des dix dernières années, la quantité de lait disponible par personne est passée de 76,5 litres en 2011 à 60,9 litres en 2021, soit une baisse de 20,3 %. Pourquoi le lait est-il moins disponible ? Dans une étude publiée en 2017, Statistique Canada a suggéré que la baisse observée depuis 2009 pourrait être attribuée aux « substituts laitiers offerts aux consommateurs, comme le lait de soya et le lait d’amande ». « Certaines personnes choisissent également des desserts glacés à base d’huile de noix de coco, par exemple, plutôt que de la crème glacée. » Le même phénomène explique en partie la baisse de l’offre de bière au cours des 20 dernières années. Outre l’augmentation de la quantité de vin disponible, il suffit de jeter un coup d’œil à la catégorie des autres boissons pour se rendre compte que les buveurs d’alcool n’ont pas cessé de trinquer.

Cidres, coolers et autres boissons rafraîchissantes

2011 : 3 litres 2021 : 7 litres

Quand l’extraction compromet la disponibilité

L’exportation est l’une des variables de l’équation qui affecte grandement la disponibilité d’un produit. Si la disponibilité du sucre d’érable a diminué de 10 % en un an, c’est principalement en raison de la courte saison de confiserie au printemps 2020 et de l’augmentation des exportations. De même, le bœuf canadien, très demandé aux États-Unis en 2021, a vu sa disponibilité chuter de 3,4 % en un an. Mais la disponibilité de bœuf est en baisse constante depuis une décennie, signe également de l’évolution des préférences alimentaires.

Disponibilité de boeuf (par personne)

1980 : 28,7 kg 1990 : 24,8 kg 2000 : 23,4 kg 2010 : 19,9 kg 2020 : 18 kg Source : Statistique Canada