Le tribunal de Nanterre a condamné l’État mercredi 6 juillet pour faute lourde pour la tentative de perquisition menée en 2019 dans les locaux de Mediapart dans le cadre de l’affaire Benalla, qui, selon sa décision consultée par l’AFP, a porté atteinte à la liberté d’expression et à la vie privée sources. “L’enquête litigieuse n’était ni nécessaire dans une société démocratique ni proportionnée au but poursuivi au sens de la jurisprudence de la CEDH (Cour européenne des droits de l’homme) sur la liberté de la presse, a jugé la Cour. Selon les juges, cette perquisition “donc constituait une atteinte à la liberté d’expression (…) d’autant plus grave que le risque de violation du secret des sources ne peut être appréhendé que dans des cas exceptionnels”. dans le domaine de l’enquête un euro à titre de “pleine indemnisation pour son préjudice », auquel s’ajoutent 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile (frais de justice), avec ordonnance d’exécution provisoire de la décision. Lire aussi L’affaire Benalla, le récit d’une chute qui a secoué l’Etat

“Atteinte à la vie privée”

Le tribunal de Nanterre a rejeté la demande de publication sur le site du ministère de la Justice sollicitée par Mediapart. Le 31 janvier 2019, le site a publié des extraits audio d’une conversation entre l’ancien chef de projet de l’Elysées Alexandre Benalla et l’ancien employé d’En Marche ! Vincent Crase daté du 26 juillet, quatre jours après avoir été inculpé dans l’affaire d’agression du 1er mai 2018 et en violation de leur contrôle judiciaire. Le parquet avait, dans les jours suivants, ouvert une enquête pour “détention illégale d’appareils ou dispositifs techniques pouvant permettre l’interception de télécommunications ou de conversations” et “atteinte à la vie privée”. Dans ce contexte, deux procureurs et trois policiers avaient tenté de perquisitionner les locaux de Mediapart, afin de restituer les enregistrements, une initiative vivement dénoncée par le site, plusieurs médias et l’opposition. Lire aussi L’avocat de Benalla voit en lui une “proie idéale” Pour le tribunal de Nanterre, ces perquisitions « comportaient nécessairement un accès au support et à ses éventuelles métadonnées susceptibles de permettre, directement ou non, l’identification de la source », entraînant « le risque, sans doute réduit par rapport à ce qui est mentionné, mais toujours une cible potentielle pour la divulgation accidentelle d’autres sources ». “En raison de la nature de la liberté exercée et de l’atteinte à l’un de ses piliers, la disproportion soutenue implique à elle seule l’existence d’un préjudice anormal, particulier et grave”, ont affirmé les juges. A l’époque, le président du site Edwy Plenel avait rappelé qu’avant la tentative d’enquête, Mediapart s’était engagé à remettre une copie des enregistrements à la justice, ce que le site a fait le 4 février 2019. “Nous saluons cette décision historique, qui consacre la liberté d’information et rappelle aux autorités judiciaires que la presse est un lieu où l’on ne va pas impunément”, a déclaré à l’AFP l’avocat de Mediapart Emmanuel Tordjman. Selon lui, “comme la liberté d’expression, les médias ont aussi une protection et ne peuvent être touchés qu’avec prudence et proportionnalité”. “Ce n’est pas seulement une immense victoire pour le journal, mais à travers Mediapart c’est une immense victoire pour la liberté d’information et la protection des sources, qui n’est pas un privilège des journalistes”, a également commenté Fabrice Arfi, journaliste à Mediapart. “Parce que nous parlons d’informer les citoyens dans une société libre”, a-t-il ajouté. VOIR AUSSI – Trois ans de prison requis contre Alexandre Benalla pour les violences du 1er mai 2018