Deux avions spéciaux, dont un médicalisé, affrétés par le gouvernement français, se sont posés aux premières heures du mardi 5 juillet à l’aéroport du Bourget avec 16 femmes jihadistes et 35 enfants, tous rapatriés de camps de détention du nord-est de la Syrie. Il s’agit de la plus importante opération de rapatriement menée par les autorités françaises depuis la chute du dernier bastion de l’organisation État islamique (EI) en mars 2019 à Baghouz. Ce rapatriement collectif marque une rupture avec la politique du « cas par cas » adoptée par Paris jusqu’à présent, qui consistait à renvoyer de facto les enfants sur le sol national sans leurs mères, c’est-à-dire soit des orphelins, soit des enfants dont les mères avaient accepté de signer un document renonçant leurs droits parentaux. Craignant d’être abandonnées sur-le-champ – ou refusant simplement de faire face aux conséquences juridiques de leurs actes – la grande majorité des mères avaient jusqu’ici refusé de se séparer de leurs enfants. Seuls 35 enfants présumés orphelins avaient été rapatriés de Paris, dont le dernier en janvier 2021. Environ 80 femmes djihadistes et 200 enfants français étaient toujours détenus dans des camps du nord-est de la Syrie avant le rapatriement de mardi.
De longs interrogatoires
Immédiatement après l’atterrissage, les mères et les enfants ont été séparés. Les femmes ont été immédiatement arrêtées et placées en garde à vue, avec des mandats d’arrêt délivrés en leur absence. Ils seront longuement interrogés par des agents de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et de la Sous-direction de la lutte contre le terrorisme (SDAT), avant une mise en examen très probable par des juges antiterroristes, assortie d’un renvoi.
Lire aussi Article réservé à nos abonnés L’unique inflexibilité française sur le rapatriement des familles jihadistes de Syrie
Les enfants étaient pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) de Saint-Saint-Denis, compétente localement. Alors que leur sort judiciaire a été confié au tribunal pour enfants de Bobigny, ils devront passer par un long processus d’évaluation sanitaire et psychologique, qui sera réalisé, entre autres, par l’hôpital Avicenne, qui dispose d’une unité spécialisée en psychotraumatologie, sous la direction du Professeur Thierry Baubet. Par la suite, les enfants seront placés dans des familles d’accueil et seront suivis par la FSA et les services de la protection judiciaire de la jeunesse (DDE).
Lire aussi : Article destiné à nos abonnés La Belgique rapatrie les enfants et les femmes détenus en Syrie
Qu’est-ce qui a pu motiver un tel revirement de la part de Paris ? Parmi les pays européens, dont quelque 5 000 ressortissants ont rejoint l’EI entre 2013 et 2017, la France s’est de plus en plus isolée en choisissant une politique de rapatriement “au cas par cas”. La Belgique, la Finlande, le Danemark, la Suède, les Pays-Bas et l’Allemagne ont décidé de rapatrier tous leurs enfants, accompagnés de leur mère lorsque cela est possible. Ainsi, Bruxelles a ramené la quasi-totalité de ses ressortissants dans le pays fin juin.
Il vous reste 69,48% de cet article à lire. Ce qui suit est réservé aux abonnés.