Si les autres commissions sont présidées à la majorité, la “ComFi” est dans l’opposition. Mais dans lequel ? Les Nupes et le RN sont tous deux présentés comme le principal groupe d’opposition en demi-cercle. La coalition de gauche est parvenue à s’entendre sur un seul candidat : Eric Coquerel, un député de Seine-Saint-Denis proche de Jean-Luc Mélenchon. Le RN envoie Jean-Philippe Tanguy, député de la Somme et ancien bras droit de Nicolas Dupont-Aignan. Dans un guet-apens, Les Républicains désignent Véronique Louwagie, députée de l’Orne, tandis que Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (Liot) est emmené par l’ancien LR Charles de Courson. Tant pis pour les prétendants. La majorité respecte la tradition et ne prend pas part au vote, même si certains dans LR aimeraient être différents face à Eric Coquerel. “Nous avons respecté l’esprit des institutions, nous avons laissé le choix à l’opposition”, a déclaré à la presse Jean-René Cazeneuve, rapporteur général du budget. En effet, un grand nombre de députés de la majorité, dès l’ouverture de la séance, ont quitté la salle. “On n’a rien vu, on était tout le temps dehors. Les consignes étaient claires : on n’a pas participé au vote”, a déclaré Charles Sitzenstuhl, député LREM du Bas-Rhin. Résultat : sur les 72 membres de la commission des finances, seuls 41 députés voteront aux urnes. A 10h15, les urnes sont closes et le résultat est conforme aux attentes : Eric Coquerel recueille 20 voix pour Nupes, Philippe Tanguy 11 pour RN, Véronique Louwagie 8 pour LR et Charles de Courson le 2e de son équipe. Pas de majorité absolue pour le député rebelle. Un second tour doit être organisé dont le résultat doit être identique au premier. Le troisième tour doit être décidé à la majorité relative. Seuls RN, LR et Charles de Courson tentent de renverser l’élection et de ravir le fauteuil à Eric Coquerel. A 11 heures, les Républicains demandent un premier ajournement de 15 minutes de la séance, suivi d’un autre ajournement à la demande du RN puis de Charles de Courson. Pendant quarante-cinq minutes, les négociations vont bon train pour tenter de trouver un accord. Certains députés de la majorité passent dans les quatre colonnes et regardent de loin les négociations. “Il y a beaucoup de suspense. On n’a jamais vu autant de caméras ici”, a déclaré en souriant le député MoDem des Yvelines, Jean-Noël Barrot. Les républicains proposent “deux solutions consensuelles”, selon un député de droite : Louwagie et Courson. En clair, les députés de droite sont prêts à retirer la candidature de Véronique Louwagie au profit d’une “candidature de consensus” en la personne de Charles de Courson. Ils ont juste besoin des voix de RN pour espérer gagner. Du côté du parti de Marin Lepen, la démission au profit du député Marn n’est pas à l’ordre du jour. “Il y a eu des discussions précises entre RN, LR et Liot. On a essayé de trouver une solution”, avait d’abord déclaré Jean-Philippe Tanguy à l’issue de l’élection. Le candidat RN, qui n’est pas fâché que “le principal parti d’opposition” n’ait pas obtenu la commission économique, confirme une autre rumeur. Celle de la présidence tournante entre lui, Véronique Loyer et Charles de Courson. Ce dernier était en sa faveur “à condition qu’il me soit rendu public dès le début”. Cependant, cette proposition “comète”, selon ses termes, n’a pas fait consensus. A 11 h 45, la séance reprend. Surprise : Charles de Courson retire sa candidature. “Comme il n’y avait pas d’accord LR/RN, le match était joué”, a déclaré Michel Castellani, un législateur corse basé à Lioti. “Je me suis rendu compte qu’il y avait de l’eau sur le gaz pour un compromis, ça n’avait pas de sens de maintenir une candidature au 3e tour”, poursuit le député. D’autant plus que Charles de Courson, dont la famille a perdu des membres des camps de concentration en 1945, refuse de profiter des voix de l’extrême droite, il s’identifie à son escorte de la Libération. Seul un vote surprise de soutien de la majorité pourrait changer la donne, mais les députés du camp présidentiel ont conservé leur position jusqu’au bout avec abstention. Peu avant midi, le troisième tour est joué. Eric Coquerel est élu par 21 voix contre 11 pour RN et 9 pour LR. Le député LFI l’emporte par une voix supplémentaire par rapport aux deux autres tours. Celui de Michel Castellani ? “Le vote est secret”, a-t-il déclaré. A sa retraite, Charles de Courson a permis la libération de deux voix, la sienne et celle de Michel Castellani. Alors que le député de la Marne regrette devant les caméras que la majorité n’ait pas pris part au vote, un coup de fil l’interrompt. Au bout du fil, Jean-Luc Mélenchon. Dois-je le remercier d’avoir retiré sa candidature ? Ce dernier refuse de divulguer le contenu de la conversation. Même avec une alliance LR/RN, Eric Coquerel ne pouvait pas être battu, a déclaré le député LR Pierre-Henri Dumont. Reprise de la #CommissionDesFinances pour les nuls en maths ⤵️ Au dernier tour, LFI avait 21 voix, RN 11 et LR 9. Il semble donc que dans tous les cas LFI ait gagné. Ceux qui ont permis à la LFI d’être élue sont la majorité qui n’a pas pris part au vote. — Pierre-Henri Dumont (@phdumont) 30 juin 2022 Entouré d’une série de caméras, Eric Coquerel savoure son élection, “satisfait” que la majorité n’ait pas pris part au vote. “Je suis le président de toute la commission des finances et j’entends veiller à ce que les droits de l’Assemblée soient respectés”, a-t-il déclaré dans un discours consensuel à ses homologues. “Il avait des mots rassurants dans son discours, je lui fais confiance”, confirme Jean-René Cazeneuve. Ce n’est pas suffisant pour balayer les doutes des autres députés. “Vu l’état et les enjeux des finances publiques, je suis forcément inquiet”, a déclaré un député LR. Plus que jamais, la ComFi sera à la pointe des médias et de la politique de cette législature.