Souvent, il devait élever la voix pour étouffer les huées d’un public partiellement hostile. Alors qu’elle prenait la parole à l’Assemblée nationale, mercredi 6 juillet, pour livrer sa déclaration de politique générale, la Première ministre, Elisabeth Borne, savait qu’elle ne bénéficierait d’aucune clémence. Ses paroles, soupçonnait-il, seraient accueillies avec une telle agressivité que les acclamations de ses partisans ne correspondraient guère. A la tête d’une majorité relative, la sexiste n’ignorait pas qu’elle allait devoir faire face au ressentiment d’une opposition qui s’était sentie méprisée pendant les cinq années précédentes. Il s’y était préparé. Pour cela, sans doute, le locataire de Matignon n’a pas tenté, mercredi, de convaincre les députés. Perte de temps à ce stade. La chef du gouvernement a voulu se défendre. Et pour l’emporter. A-t-il réussi ? L’avenir le montrera. Lire aussi : Pouvoir d’achat, emplois, urgence écologique : ce qu’il faut retenir du discours de politique générale d’Elisabeth Borne
Mais après un peu plus d’une heure de propos axés sur la répétition de l’agenda présidentiel d’Emmanuel Macron, avec de rares annonces comme la future nationalisation de l’électricien EDF, l’ancien préfet, ingénieur, a subitement oublié le “nous” pour passer au “je”. Dans un Kurdisme à la fois féministe et personnel, celle que l’on dit robotique et froide, “techno” et stricte, soupçonnée jusque dans son camp de ne pas être à la hauteur, est sortie quelques instants de sa coquille pour s’immerger confiance. “Si je suis ici devant vous, Monsieur le Premier ministre français, je le dois à la République. C’est elle qui m’a tendu la main (…) quand j’étais cette enfant dont le père n’était jamais vraiment revenu des camps », explique-t-elle sans être submergée par l’émotion. Un récit de son parcours d’enfant abusé par la vie. Élevée par une mère célibataire après que son père, un survivant d’Auschwitz, se soit suicidé à l’âge de 11 ans, Elizabeth Bourne est devenue la gardienne de la nation. Alors oui, ‘Je ne correspond peut-être pas au portrait composite auquel certains s’attendaient. Cela tombe bien, la situation est inédite. Je n’ai pas le complexe de la femme prévoyante. J’ai été ingénieur, homme d’affaires, préfet, ministre. Mon parcours n’a suivi qu’un fil rouge : servir”, a-t-elle confié avant de rendre, les mains sur les hanches, un puissant hommage à la République et aux femmes qui, comme elle, ont dû se battre pour s’imposer en politique : Irène Joliot-Curie, Suzanne Lacore, Cécile Brunschvicg, Simone Veil ou Edith Cresson, la première femme Premier ministre. Il vous reste 72,76% de cet article à lire. Ce qui suit est réservé aux abonnés.