Une nouvelle phase d’incertitude commence en Argentine. Le ministre de l’Economie Martin Guzmán, principal artisan de l’accord avec le Fonds monétaire international (FMI) en mars pour refinancer la dette de son pays, a annoncé samedi 2 juillet sa démission, après deux ans et demi en poste. “Je vous écris pour vous présenter ma démission du poste de ministre de l’Economie, dont vous m’honorez depuis le 10 décembre 2019”, a déclaré Martin Guzman dans une lettre adressée au président de centre gauche Alberto Fernandez, appelant le chef de État de nommer un successeur. Le président argentin, qui cette semaine avait également apporté son soutien remarquable au ministre, ne s’était pas encore exprimé en fin de journée samedi. Lire aussi Article destiné à nos abonnés Martin Guzman, un jeune économiste hétérodoxe au lit argentin
Martin Guzman, économiste de 39 ans, ancien élève et ami proche du prix Nobel d’économie (2001) Joseph Stiglitz, est depuis deux ans en première ligne des négociations, d’abord avec les créanciers du Club de Paris puis avec le FMI. , pour restructurer la dette argentine de près de 45 milliards de dollars (43 milliards d’euros), héritage d’un emprunt contracté en 2018 par le précédent gouvernement libéral Mauricio Macri – le plus important de l’histoire du Fonds.

Guzmán critiqué à sa gauche

L’accord entre la troisième économie d’Amérique latine et le FMI prévoit une série de mesures macroéconomiques pour contrôler l’inflation chronique du pays (+50,9 % en 2021, +60,7 % au cours des douze derniers mois) et réduire le déficit budgétaire (3 % du PIB produit en 2021) jusqu’à l’équilibre en 2025. Le tout faisant l’objet d’un suivi régulier par le Fonds. En contrepartie, le remboursement de la dette ne commencera qu’en 2026, après un délai de grâce de quatre ans, qui s’étalera jusqu’en 2034. Le FMI a jusqu’à présent soutenu les politiques macroéconomiques de l’Argentine depuis l’accord, avec une première évaluation réussie il y a quelques jours qui a abouti à un décaissement de 4 milliards de dollars. Mais le ministre Guzmán a été régulièrement interpellé par l’aile gauche péroniste de la coalition gouvernementale, incarnée par la vice-présidente (et ancienne chef de l’Etat de 2007 à 2015) Cristina Kirchner. Lire aussi Article destiné à nos abonnés Le ministre argentin de l’économie en Europe pour renégocier la dette de son pays
Cette marge a réprimandé le ministre pour son excès de zèle dans la maîtrise du déficit budgétaire et de la question monétaire, alors que la situation économique de l’Argentine, avec 37% de pauvreté, exigerait, selon cette vision, un plus grand désespoir social. Ces critiques se sont multipliées depuis les élections de mi-mandat fin 2021, au cours desquelles la coalition au pouvoir a perdu sa majorité au Sénat.

Méfiance envers le marché

Martin Guzman a, pour sa part, défendu une ligne pragmatique de contrôle relatif des dépenses, rognant les nombreuses subventions (notamment dans l’énergie) et reconstituant les stocks auprès des malades, grâce à un regain de croissance (+10% en 2021 après trois ans de récession) et + 6 % au cours des douze derniers mois). Le ministre avait à plusieurs reprises regretté les mauvais messages que ces désaccords au sein de la coalition gouvernementale “Frente de Todos” envoient aux marchés. Et Martin Guzmán revient sur cette absence de soutien consensuel dans sa lettre de démission, estimant que pour son successeur “il faudra travailler à un accord politique au sein de la coalition gouvernementale”. Il réaffirme sa “croyance et sa confiance profondes en [sa] vision de la voie que l’Argentine doit suivre » et avertit qu’à l’avenir, il sera « essentiel de continuer à renforcer la cohésion macroéconomique, y compris les politiques budgétaire, monétaire, financière, de taux de change et énergétique ». Lire aussi : Article destiné à nos abonnés En Argentine, l’accord avec le FMI aggrave la crise au sein de la coalition au pouvoir
Le FMI, qui a souvent accueilli Guzmán comme interlocuteur, n’a pas encore réagi à sa démission. Cela pourrait avoir un impact sur la confiance du marché, qui n’est déjà pas au beau fixe, envers l’Argentine. Pour l’analyste politique Carlos Fara, le départ de Guzmán signifie « échec et mat pour l’autonomie du président » Fernandez. “La démission aura un impact très négatif sur les marchés”, a-t-il déclaré à l’AFP. Même si le chef de l’Etat et le vice-président parviennent à un consensus sur le comportement de l’économie, tout dépendra désormais de la pression de Cristina Kirchner. Le monde avec l’AFP