Le vote devait être serré, la question divisée même au sein des familles politiques. Les eurodéputés ont approuvé, mercredi 6 juillet, le plan label vert pour les centrales nucléaires et au gaz naturel, deux sources d’énergie considérées par Bruxelles comme nécessaires pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Les eurodéputés devaient dire s’ils approuvaient ou non une objection, votée le 14 juin par les commissions parlementaires des affaires économiques et de l’environnement, synonyme de veto de l’exécutif européen au texte. Un rejet aussi rare serait une gifle pour la Commission européenne. Lire aussi : Article destiné à nos abonnés Le Parlement européen affûte ses armes contre le classement du nucléaire et du gaz naturel comme énergies « durables »
“lavage vert”
Cette classification (appelée classification) devrait permettre de mobiliser des capitaux privés pour ces projets. Elle s’inscrit dans l’objectif de neutralité carbone de l’UE d’ici 2050. Mais la reconnaissance de la contribution du gaz naturel et du nucléaire à la lutte contre le changement climatique, bien que faite sur la base de rapports d’experts, a suscité l’ire des groupes écologistes qui dénoncent le “greenwashing”.. Jusqu’à présent, le label “vert” était réservé aux énergies renouvelables.
Depuis mardi, les organisations de défense de l’environnement manifestent à Strasbourg. Environ 150 personnes ont marché vers le siège du Parlement européen, avant un débat en plénière. “L’énergie nucléaire ne sauvera pas le climat”, disait une banderole.
Le texte controversé, présenté en janvier par la Commission, qualifie de “durables” certains investissements pour produire de l’électricité dans des centrales nucléaires – qui n’émettent pas de CO2 – ou des centrales au gaz, à condition qu’elles mobilisent les technologies les plus avancées. Et, pour ces derniers, qu’ils permettent de fermer des centrales au charbon beaucoup plus polluantes.
Lire le forum : L’article destiné à nos abonnés européens : “En décrétant le nucléaire vert comme le gaz naturel, on enterre le classement”
En demi-cercle, l’anti-héros a aussi donné de la voix mardi. D’autant que la nouvelle de la guerre en Ukraine, qui a mis en lumière le danger de la dépendance aux hydrocarbures russes, a accru l’hostilité de certains élus. “Il n’y a rien de durable dans les énergies fossiles”, a déclaré l’eurodéputée suédoise Emma Wiesner (groupe Renew, libéral). « Comment pouvons-nous demander aux autres pays de réduire leur consommation d’énergies fossiles si nous les classons comme verts ? Cela nuira à l’accord de Paris”, a déclaré le Néerlandais Bas Eickhout (Verts).
“Temporairement nécessaire pour la migration”
« Personne ne dit que le gaz naturel et le nucléaire sont des énergies vertes, mais ils sont temporairement nécessaires à la transition. Il faut utiliser tous les outils pour se passer de pétrole et de charbon en priorité”, a plaidé l’eurodéputé français Gilles Boyer (Renouveau). Le classement de l’UE “donne la priorité aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique”, a rappelé la commissaire aux Services financiers Mairead McGuinness, venue défendre son texte à Strasbourg. Cependant, le responsable de l’UE estime que les énergies renouvelables seules ne pourront pas répondre à la demande croissante d’électricité en raison de leur production intermittente. D’où la nécessité, au moins à titre transitoire, de promouvoir également les investissements dans des moyens stables et contrôlables tels que le gaz naturel et le nucléaire. Le label “vert” pour ces deux sources d’énergie a déjà reçu l’approbation des États membres. Seuls huit pays, dont l’Allemagne, l’Autriche et le Luxembourg, ont exprimé leur opposition lors des consultations menées par la présidence française du Conseil de l’UE, bien en deçà de la “supermajorité” de vingt pays nécessaire pour bloquer le projet. La France, qui veut relancer son industrie nucléaire, et les pays d’Europe centrale comme la Pologne, qui doivent remplacer les centrales à charbon, sont à l’opposé de la Commission. Le monde avec l’AFP