Franceinfo : Comment est née votre envie de suivre Emmanuel Macron à la présidence du Conseil de l’Union européenne ? Guy Lagache : Ce qui m’a semblé intéressant en tant que citoyen, et pas seulement en tant que journaliste, c’était de comprendre comment fonctionnait pour moi une Europe qui m’a toujours semblé compliquée, technique et lointaine. Il y a un réel besoin d’éducation aux questions européennes. Je voulais prendre un sujet sec et le rendre intéressant et accessible à tous. Je savais que du 1er janvier au 30 juin, la France prendrait la présidence du Conseil de l’Union européenne. J’ai contacté l’Elysée en novembre dernier pour leur faire part de mon projet. “Je voulais dire comment cette présidence française s’en sortirait si elle faisait face à une crise.” Guy Lagache, réalisateur de “Un président, l’Europe et la guerre” chez franceinfo Car si on regarde les vingt dernières années, on est confronté tous les six mois à des crises en Europe, comme la crise entre la Pologne et la Biélorussie ou le Brexit. L’Elysée a trouvé l’idée intéressante. Alors j’ai commencé à tourner début janvier, en me tirant dessus. Je ne suis pas caméraman, je n’ai jamais cadré de ma vie, mais c’était une façon de m’immerger tout en étant le plus discret possible dans la vie des conseillers du président de la République qui s’occupent des affaires diplomatiques. Et puis petit à petit, les bruits de bottes à la frontière ukrainienne sont devenus de plus en plus forts. Cette crise s’impose de plus en plus à l’agenda, si bien qu’elle est devenue le thème principal du film. J’ai toujours eu en tête de dire cette guerre au long cours pour essayer de comprendre la complexité de la politique face à la réalité. Le fait que la guerre éclate n’a-t-il pas limité votre marge de manœuvre ? Lorsque vous avez accès en premier lieu, cela ne signifie pas que vous avez accès à tout. Ce n’est pas un “bar ouvert”. Avec ou sans crise, mais évidemment plus évidemment avec la crise, j’ai voulu faire preuve de pédagogie et j’ai défendu cela auprès des équipes du président de la République. Il a fallu établir une relation de confiance, car c’est un sujet extrêmement sensible. Je n’étais pas dans une logique de l’actualité, dans une logique du magazine, et c’est très important d’être compris. Je connais la gravité de la situation que je traverse, nous sommes dans un moment historique qui est l’un des événements les plus graves que nous ayons connus depuis 1945. Evidemment, ils ne m’ont pas laissé tout renverser. “Chaque jour, je devais être patient, convaincant, compréhensif, aussi persévérant, puis attendre, attendre et attendre.” Guy Lagache, réalisateur de “Un président, l’Europe et la guerre” chez franceinfo Il a fallu beaucoup de temps à l’Elysée pour comprendre mon axe. Comment avez-vous réussi à filmer cette conversation entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine ? Emmanuel Macron tire un fil diplomatique. Le 7 février, il a passé près de six heures avec Vladimir Poutine à Moscou. Et il me paraissait important d’expliquer ce qui se passait dans ces conversations, car c’était difficile à comprendre. La presse s’est demandée ce que signifiait une conversation avec Vladimir Poutine et les dangers qui pouvaient en découler. Et là on voit que c’est un débat très musclé. “Je voulais montrer que l’axe d’Emanuel Macron était de tout faire pour empêcher la guerre, il était absolument dans son rôle de médiateur et sur cette base j’ai pu filmer cette conversation.” Guy Lagache, réalisateur de “Un président, l’Europe et la guerre” chez franceinfo Cependant, je n’ai pas pu tout capter, il y a beaucoup de choses que je n’ai pas pu filmer. Mais en même temps, il était extrêmement important pour moi de ne pas divulguer d’informations confidentielles, classées secret défense. C’était une question de responsabilité face à la gravité de la situation. Qu’est-ce qui vous a le plus marqué durant ces six mois ? Cela peut sembler un cliché, mais ce que j’ai trouvé très intéressant, c’est ce que signifie faire face à la réalité quand on est politicien ou diplomate. Ce qui me fascinait, encore une fois, c’était l’exercice du pouvoir et sa complexité. Surtout à l’échelle européenne. Nous avons vingt-sept pays qui forment une union avec vingt-sept histoires et cultures différentes. Ces pays ont des relations avec la Russie qui ne sont pas du tout les mêmes selon leur situation géographique. J’étais fasciné de voir comment une crise comme celle-ci permet de s’unir à des pays aux intérêts différents et pour qui les conséquences de cette guerre ne sont pas du tout les mêmes.

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