Seville Films demeure le distributeur de plusieurs des plus grands succès commerciaux du Québec, tels que Bon flic, mauvais flic, La grande séduction, Les feux la Starbuck. La société torontoise Entertainment One détient également les droits d’une partie des films de cinéastes célèbres tels que Xavier Dolan et Denys Arcand. Qui héritera désormais de la tâche de continuer à promouvoir ces films en les vendant sur les plateformes numériques et les chaînes de télévision ? La question était sur toutes les lèvres de l’industrie cinématographique mercredi, au lendemain de l’annonce de Seville Films, qui a licencié sans préavis toute son équipe dédiée à la distribution en salles. “Je suis très inquiet pour l’avenir de la liste. C’est très triste de voir une entreprise fermer ses portes aussi brutalement. “Ce n’est pas seulement une page de l’histoire de notre cinéma qui tourne, c’est tout un chapitre qui brûle”, a déclaré Nicole Robert, qui a également produit des longs métrages de Ricardo Troggy et Potts pour une distribution par Seville Films. En ce moment, tous les regards sont tournés vers les quelques films qui sortiront en salles dans les mois à venir et qui sont censés être distribués par Seville Films. Patrick Roy, président de Seville Films, s’est engagé à honorer ses engagements envers les projets déjà en construction. A moins qu’il n’y ait un renversement, 23 décembre, de Miryam Bouchard, sortira en salles comme prévu pour les fêtes de fin d’année. Nous continuons également de cibler le trafic en 2023 pour Le pistonl’adaptation la plus vendue du roman de Stéphane Larue, mise en scène par Francis Leclerc. Seville Films est également le distributeur de la comédie Lignes qui disparaissent, qui sortira en salles la semaine prochaine. La première montréalaise s’est déroulée lundi comme si de rien n’était, tandis que le lendemain, la plupart des employés ont appris par courriel qu’ils étaient satisfaits. “Le film ne sera pas puni pour cela. La plupart des travaux avaient déjà été faits. “Je suis plus inquiète, en revanche, pour les films qui sont censés sortir plus tard”, avoue Denise Robert, productrice Lignes qui disparaissentmais aussi le prochain Denys Arcand, Sera, sera distribué par Seville Films.
Aux mains des Américains
Denise Robert a aussi une vision très vague du fait que le catalogue de Seville Films, qui comprend plusieurs films classiques québécois, pourrait être transféré à une entreprise américaine. Rappelons que la boîte de distribution a été vendue en 2007 au groupe Entertainment One, communément appelé eOne, dont le siège est à Toronto. Cependant, Seville Films a continué d’être présent à Montréal avec son bureau de la rue Saint-Antoine. Pourtant, en 2019, eOne a été absorbé par le géant américain Hasbro, une acquisition qui inquiète le milieu cinématographique québécois trois ans plus tard, compte tenu de la situation actuelle. “C’est simplement venu à notre connaissance à ce moment-là. Il y a quelques années, Le déclin de l’empire américain avait été vendu aux Américains et Dennis Arcad n’avait même pas le droit d’utiliser un extrait de son film. Ça nous rappelle pourquoi il est absolument nécessaire que notre patrimoine cinématographique demeure au Québec », insiste le producteur. Même son de cloche avec l’Association québécoise de la production média (AQPM), qui espère qu’une entreprise québécoise acquerra la liste Seville Films. «Seule une entreprise québécoise pourra apprécier la richesse de cette liste et promouvoir son rayonnement et sa commercialisation au profit du public et des ayants droit», a déclaré la présidente-directrice générale Hélène Messier dans un communiqué. Déjà, le distributeur et producteur Christian Larouche, ancien réalisateur de Films Christal, réfléchit à l’idée de racheter les droits des oeuvres qu’il a vendues à Films Sevilla il y a quelques années après les difficultés financières de sa société. Aujourd’hui, à la tête de Films Opale, il comprend très bien qu’eOne pourrait se trouver dans une position précaire, au point de devoir se départir de son industrie au Québec. “Ce n’est pas vraiment facile pour les distributeurs de nos jours. La pandémie a été très difficile et le public n’est pas totalement revenu dans les salles. “En deux ans, la pandémie a accéléré le développement des plateformes numériques comme si dix ans s’étaient écoulés”, explique Christian Larouche.
Implications financières
Les Films Opale, MK2 et TVA Films sont parmi les rares distributeurs qui résistent actuellement au marché québécois. Mais personne n’a l’épine dorsale de Seville Films, qui avait autrefois les moyens de financer des films d’envergure sur le Québec. Seville Films a été l’une des seules sociétés à le faire, d’autant plus qu’elle a avalé l’un de ses principaux concurrents, l’Alliance Atlantis Vivafilm, sous l’égide d’eOne il y a dix ans. “Nous ne laissons pas la division nationale entre les mains d’intérêts étrangers. Séville était presque dans un état de monopole et les institutions ont laissé faire. “Ce qui se passe aujourd’hui était malheureusement prévisible.”